J’ai passé la semaine dernière à Sao Paulo, où l’ABEST ( « Associaçao Brasileira de Estilistas », équivalent de la Fédération Française de la couture, du prêt-à-porter et des créateurs de mode Française) m’avait invité à participer à un salon d’un genre nouveau: le Salao +B.
Ce salon présentait de nombreuses marques Brésiliennes. Certaines très connues: Osklen, Cecilia Prado, Iodice et Jo de Mer. Mais j’ai pu en découvrir d’autres comme la marque de foulard Scarf.Me ou la marque de prêt-à-porter Wasabi.
Avant d’être un salon d’achat, ce salon était un salon « intelligent », au sens « didactique » du terme. La mode est au même titre que l’Art en général, un moyen d’expression d’une époque, d’un pays… Mais elle engage une « économie » beaucoup plus large. De la production du tissu, en passant par les usines où on la confectionne et les points de ventes elle entraîne des problématiques industrielles, commerciales et culturelles. Dans le monde entier on se pose toujours la question de savoir si la mode doit dépendre du Ministère de la Culture, de L’industrie ou du Commerce. La réponse est qu’elle participe des trois à la fois.
Raison de plus pour se poser ces questions, dans un pays en pleine explosion. Parmi les invités, Paulo Borges ( Président de la Sao Paulo Fashion Week, un peu le Didier Grumbach de la mode Brésilienne) mais aussi des journalistes ( Gloria Kalil), des Présidents de marques ( Reserva, The Craft Shoes Factory, Twins for Peace) et même le Gouverneur de l’Etat de Sao Paulo: Geraldo Alckim.
Voici le constat synthétisé. Jusqu’à présent, Il y avait relativement peu d’importations de marques étrangères et de matières premières au Brésil, les taxes à l’entrée étant prohibitives. Etant dans l’Hémisphère Sud, les saisons sont inversées. Depuis qu’elle existe, la mode Brésilienne vit un peu en autarcie sur elle même. De plus, jusqu’à récemment, l’inflation était telle qu’il était impossible d’exporter. Les top modèles Brésiliens se sont rendus plus vite célèbres à l’international que la création de leur propre pays!
Mais aujourd’hui la donne a changé: les prix sont relativement stables, et de grands groupes internationaux ( Zara, Topshop) arrivent, quitte à un peu renier leurs marges pour conquérir un marché de plus de 200 millions d’habitants dont la classe moyenne ne cesse de grandir. Les maisons de luxe et de haut de gamme arrivent aussi ( Vuitton, Hermès, bientôt Balmain). Que faire alors si l’on exporte pas ou peu sa production, et que le « moyen de gamme » ainsi que le luxe international arrivent en force?
Plusieurs réponses, parfois contradictoires, ont été apportées. Certains prônent une fabrication et une distribution 100% Brésilienne ( c’est un enjeu politique pour l’emploi et le développement du pays), d’autres prônent une ouverture. La prochaine saison, la Fashion Week de Sao Paulo se calera sur un calendrier plus international ( Octobre et Mars) et intégrera donc l’ouverture saisonnière de budget des acheteurs internationaux. Comme le disait Luc Zeltner, Directeur du magasin MERCI à Paris, l’Europe est avide d’une création nouvelle, dynamique et gaie que peut pleinement apporter le Brésil.
Le Brésil doit donc réorganiser son système de mode selon la voie organique qui lui conviendra et qui pourra permettre de digérer sereinement la concurrence internationale sur son territoire, et de partir à la conquête du reste du monde hors de ces frontières.